Conférence témoignage de Pierre Schillio, ancien élève – samedi 27 janvier 2018

27 janvier 2018
Intendance

Conférence de Pierre Schillio et de Jean Samuel

 

Les anciens élèves et les élèves du lycée ont pu assister samedi 27 janvier 2018, en ce jour de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité, à la conférence témoignage donnée par Pierre Schillio et Jean Samuel sous la présidence de Monsieur le Proviseur du lycée, Patrick Sorin, en présence de Mme Mercier-Benhamou, Directrice académique des services de l’éducation nationale.

« Redevenir jeune » tel a été le souhait de Pierre Schillio quand il est revenu du camp de Dachau libéré le 29 avril 1945.

Souhait légitime de cet adolescent dont la vie s’est brusquement arrêtée le 24 août 1943 lorsque toute sa famille et lui-même furent arrêtés à Neuilly par un policier français et un policier allemand. Après l’Ile de la Cité, le camp de Drancy, après un long voyage dans un train de marchandises connu sous le nom de « convoi 59 », séparé de sa mère et de ses sœurs, il arrive avec son père et son grand-père âgé de 80 ans à Dachau.

Pendant deux ans il a vécu avec son père l’innommable, l’indicible. Par trois fois, il a échappé à une sélection dont l’issue était la mort. Ce mot de sélection scande son récit.

Dès l’arrivée il échappe à une première sélection en suivant l’ordre de son père de marcher tandis que son grand-père monte dans un camion qui le conduira à la chambre à gaz.

Bien que très jeune puisqu’il n’a que treize ans et demi, il effectue les taches imposées, partageant avec son père la maigre ration journalière. A lui le saucisson, à son père la soupe de rutabagas et ensemble le pain noir et dur, synonyme de survie.

Il échappe à une deuxième sélection en octobre 1943 puis reste neuf mois dans le ghetto de Varsovie en ruines à récupérer les briques des maisons détruites. Son père contracte le typhus tandis qu’il est victime d’une pleurésie.

Le 28 juillet 1944, il échappe à une troisième sélection : plutôt que de rester à l’infirmerie où la seule issue est la mort, il choisit avec son père de faire les cent kilomètres à pied sous une chaleur accablante. C’est une « marche de la mort » qui dure trois jours. Ils étaient 4000 au départ et furent 3000 à l’arrive à Dachau où sont regroupés tous les détenus des camps dans une Allemagne qui se délite sous les coups de butoir des Alliés.

Il arrive épuisé à Dachau mais tient car il sait son père proche dans un block voisin. Pierre Schillio le pensait très loin alors qu’il n’était qu’à deux cent-cinquante mètres.

Le camp est libéré le 29 avril 1945. L’armée du général Leclerc rapatrie les plus vaillants le 17 mai 1945. Après un voyage de trois jours par Strasbourg, Pierre Schillio et son père arrivent à Paris. Pendant deux mois, ils espèrent le retour du reste de leur famille mais cet espoir est déçu. La mère de P. Schillio et ses sœurs ne sont pas revenues.

« Redevenir jeune », retrouver ce temps d’adolescence volée, tel est alors le leitmotiv du jeune Pierre. Il suit les cours de la classe de troisième au collège Voltaire car à cette date il est hébergé chez ses grands-parents. L’année suivante il habite au 10 rue Saint-Didier et est inscrit en classe de seconde au lycée Janson de Sailly. Il poursuit sa scolarité jusqu’en mathématiques spéciales, est admissible à Centrale mais ne peut se représenter car il est trop âgé. En effet, l’administration française refuse à cette date de tenir compte de l’arrêt forcé de scolarité car lors de son arrestation, il n’était pas inscrit en classe préparatoire !

Il rejoint l’entreprise de son père et comme lui continue la tradition de « facteur de piano ». A 88 ans il dirige toujours son entreprise.

 

Monsieur Jean Samuel a aussi connu l’enfer des camps après un voyage effroyable dans la chaleur de ce mois de juillet 1944. Il est entré dans la Résistance par un cousin et fabrique des faux-papiers. Il est arrêté et fait partie d’un des derniers convois qui quittent Drancy en cet été 1944. A l’arrivée à Dachau, sur les 100 détenus du wagon, plus de 60 sont morts au cours du voyage de quatre jours. Il est aussi libéré le 29 avril 1945.

 

Marielle Vichot

 

Après un échange avec les élèves de la salle Clermont, l’assemblée est invitée à se rendre dans « la galerie du 106 » pour un hommage à la mémoire des vingt élèves morts à Auschwitz. Monsieur Alexandre Bande prononce un discours vibrant et émouvant (lire le discours) rappelant que la mémoire et l’Histoire sont deux concepts indissociables pour faire connaître la réalité de ces heures sombres. Deux élèves à leur tour lisent leurs textes et la chorale entonne la Marseillaise et le chant des Partisans en yiddish et en français.

A l’issue de la cérémonie, un pot amical a permis de remettre à M. Schillio quelques cadeaux dont le pins et la cravate de l’AEJS qui lui sont remis par M. Claude Mantoux, Président de l’association. Puis chacun lève son verre à la santé de M. Pierre Schillio qui fête ses 88 ans le lendemain.