Commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, de tous les morts pour la France et des jeunes Jansoniens qui ont manifesté sur les Champs-Elysées lors du 11 novembre 1940

10 novembre 2021
CDI

La commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, de tous les morts pour la France et des jeunes Jansoniens qui ont manifesté sur les Champs-Elysées lors du 11 novembre 1940 s’est déroulée Mercredi 10 novembre 2021 à 10 heures 30 devant le monument aux morts dans la cour d’honneur du lycée.

Présentation du contexte historique, par Marianne Adjiman, professeur d’Histoire.

            Le 11 Novembre 1940, un armistice mit fin aux combats entre l’Allemagne et les Alliés dont la France. Ainsi se terminaient pour le Français les épreuves de la Grande Guerre.

            Depuis, chaque année, nous commémorons en France cet armistice. en ranimant la flamme sur le tombeau du soldat inconnu, le président de la République affirme la portée symbolique de l’événement : la victoire, le souvenir des soldats disparus lors des combats et le retour à la paix.

            Célébré chaque année ? Pas tout à fait. Un armistice, celui du 11 Novembre 1940, n’a pas été célébré officiellement. En effet, vaincue en juin 1940, la France subit alors l’occupation des Armées allemandes au Nord de la Loire. Dans les rues de Paris s’affichent alors le drapeau nazi et la croix gammée, tandis que défilent les troupes de la Wehrmacht. Pour ne pas déplaire à l’occupant nazi, pour qui le 11 novembre est synonyme de défaite, les autorités françaises interdisent les célébrations traditionnelles. 

            Pourtant, un élève de notre lycée, avec trois mille camarades lycéens ou étudiants, va braver cette interdiction et manifester, malgré les risques terribles, à l’Arc de triomphe.

            La manifestation, symbole de Liberté et de Résistance à l’oppression, sera durement réprimée par les occupants nazis qui multiplièrent les arrestations de lycéens, d’étudiants et de professeurs.

            Cet élève, Yvan Denys, âgé de 14 ans,  est alors élève de la classe de troisième A. Voici le récit qu’il nous livre de cet événement mémorable, le 11 Novembre 1940 :

            « Et voilà aujourd’hui une rumeur se répand dans la classe, court à travers le lycée pendant  la récréation de 10 heures. C’est le 11 Novembre, le lycée est ouvert et nous avons cours ?! Or chaque année, le 11 Novembre est férié, on rend hommage aux anciens combattants de la Grande Guerre, ceux qui sont morts pour la France, ceux qui ont vaincu l’Allemagne ! (…) Moi-même, je me souviens d’avoir assisté, il y a deux ans, avec ma mère, à la cérémonie officielle à l’Arc de Triomphe, au cours de laquelle on a ranimé la flamme pour commémorer le vingtième anniversaire de l’ armistice du 11 novembre 1918.(…)Et cette année, deux ans plus tard, on n’en parlerait plus ! Plus de célébration, plus de souvenir, mais on nous a lu une circulaire de je ne sais qui, ministre, recteur ou proviseur, qui nous interdit de participer, sous peine de renvoi du lycée, à quelque manifestation que ce soit ! (…)

            Toute la matinée, nous rappelons à nos condisciples ce que représente cette date du 11 Novembre et ce que signifie la suppression de cette fête nationale. Des bruits divers circulent dans la cour : il y aura, malgré l’interdiction, une manifestation… Les « Grands » en parlent. La rumeur se répand et nous sommes quelques-uns à décider d’y participer. Notre professeur de lettres, Paul Guth, tente de nous en dissuader, il répète que c’est dangereux. Et puis c’est interdit ! Il s’adresse à chacun en particulier, nous suppliant même :

            -Mon p’tit D’nys, n’y allez pas !

            Ces propos, loin de nous dissuader, nous stimulent ; nous irons à l’Étoile !Le mot d’ordre se diffuse comme une trainée de poudre. Ala sirène de quatre heures, nous nous précipitons en nombre -une dizaine de notre classe- vers le portail, au milieu d’une foule de « Grands » qui l’ont forcé, malgré les efforts des surveillants. Cette sortie massive, joyeuse, de plusieurs centaines d’élèves de treize à vingt ans a des allures de reconquête de la liberté. La rue de la Pompe, l’avenue Victor Hugo, où nous avançons sont comme des territoires libérés. Près de la Cité Argentine, place Victor Hugo, nous voudrions nous compter… Impossible ! Nous sommes trop nombreux. Place de l’Étoile, sur le terre-plein entre les avenues Victor Hugo et Kleber, une foule de jeunes nous masque en partie l’Arc de Triomphe. On a envie d’approcher, d’être sous l’Arc, près de la flamme du Soldat Inconnu. On est si nombreux, on se sent si fort ! mais la foule ne nous permet pas d’avancer. Nous sommes cloués sur place. Nous chantons la Marseillaise.

            Brusquement, après quelques dizaines de minutes, on entend de lourds bruits de moteurs qui s’approchent. S’agit-il de tanks, de camions allemands ou de la police ? On discute, on s’interroge. Impossible d’atteindre l’Étoile, d’atteindre l’Arc de Triomphe : on se replie- sans se sentir vaincus. Cette manifestation nous remplit de joie, de fierté : nous avons bravé les interdictions, nous avons célébré le 11 Novembre, jour de victoire, une victoire que nous espérons, à notre tour, remporter un jour… »

Lycéen résistant d’Yvan Denys, Signes et Balises, 2013, pages 11 et suivantes.

Yvan Denys, devenu professeur de Lettres classiques, sera nommé professeur au Lycée Janson de Sailly, en Khâgne.

Le texte d’introduction est de Marianne Adjiman, professeur d’Histoire.

Le témoignage est extrait du livre  Lycéen résistant d’Yvan Denys, Signes et Balises, 2013, pages 11 et suivantes.

Les photographies sont de Martine Liagre, documentaliste.